Le recrutement…. Art ou process ?

Longtemps, l’activité du recrutement s’est faite en faisant confiance au hasard (c’est-à-dire la chance) ou la destinée sociale (on était boulanger de père en fils) puis l’influence du réseautage ou de la cooptation. Avec la croissance des diplômes et des savoirs académiques, le libre choix de l’individu s’est renforcé pendant que les techniques de recherche de talents se sont sensiblement enrichies et sophistiquées au point de recruter des spécialistes du recrutement.

Cet article a été publié sur LinkedIn le 8/02/2021

Cette évolution de l’exercice en fait-il un art ou un process ? Difficile à dire de façon définitive… On peut néanmoins s’entendre sur le fait que le recrutement des membres de votre équipe est devenu une affaire qui focalise l’intérêt des organisations performantes.  

Le coût de l’échec…

Car l’échec coûte cher à l’organisation comme à la personne. Selon les études de la DARES, 40% des fins de contrats sont des démissions et ce chiffre est stable depuis 25 ans. S’y ajoutent depuis 2008 les ruptures conventionnelles, soit 10 points de plus. Quatre CDI sur dix ne dépassent pas l’anniversaire de la première année… Certes, ces chiffres sont moins élevés chez les cadres à l’exception des activités de service. S’il faut donc nuancer, il n’en demeure pas moins que cette activité génère beaucoup de non-qualité. Pertes d’argent, d’espoirs aussi, cette spirale peut aussi nuire à l’image de l’organisation comme de la personne qui la quitte. Dès lors, il y a encore besoin de professionnaliser l’approche et de vous faire assister d’experts RH, formés aux meilleures méthodes de recrutement.

Le cadre d’une sécurisation

Les sciences humaines et le code du travail ont permis de donner du corps et un cadre à cet exercice. Il existe de nombreuses procédures et techniques qui se sont beaucoup améliorées et sophistiquées. D’abord l’évaluation du besoin qui se traduit dans une description de poste, assortie de compétences associées. Cette approche du modèle de la compétence pour classer les emplois s’est beaucoup développée en renforcée dans les années 90 où elle a fini par contester la seule approche par le diplôme et le titre, si présente en France où le modèle des grilles Parodi a perduré longtemps, si ce n’est dans les classifications tout au moins dans les esprits. La compétence peut se définir comme un ensemble de capacités à mettre en œuvre des connaissances (savoirs), des savoir-faire (être capable de mettre en œuvre un savoir) et des comportements (savoir-être ou savoir-faire relationnel) dans l’exécution de ces savoirs et savoir-faire.

 

image-1
Les compétences du XXIème siècle, vues par le Forum de Davos

Cette approche reste plus que jamais d’actualité. Plusieurs rapports dont celui du forum économique mondial évoquent les compétences des salariés du XXIème siècle qui vont irriguer tous les emplois d’ici 2025. Cette étape est encore trop souvent négligée alors que c’est là que le recruteur exprime son véritable besoin.

Il existe aussi des techniques et outils dans l’étude sur pièces des candidatures (SIRH). Dans l’évaluation des candidats ensuite où beaucoup de créativité existe (tests, mise en situation, jury croisés, recommandations…). Le process ne cesse de s’enrichir et de se documenter.

Le cadre fixé par le code du travail prescrit également des obligations (emploi des salariés atteints d’une forme de handicap) ou des interdictions telles que la non-discrimination. Le respect de la dignité, de la vie privée, des données traitées informatiquement est aussi un point d’attention majeur.

Insistons enfin sur l’évaluation de la qualité des recrutements dans le temps et la mesure du développement des potentiels des talents dans la durée. Car recruter le (la) meilleur(e) candidat(e) pour un poste, c’est bien. Lui permettre de donner son meilleur après, c’est mieux…

Mixer les regards

Au titre des bonnes pratiques, on ne soulignera jamais assez l’intérêt de l’association des ressources humaines à votre démarche. Leur expérience généraliste sera précieuse et ces experts apporteront souvent une vision complémentaire dans le recrutement. Evoquons aussi le soutien des grilles d’évaluation pour fédérer les recruteurs sur leurs attentes en amont, indépendamment des candidats, et objectiver les décisions à prendre après les entretiens. La double vision de l’expert métier et de l’expert des ressources humaines permet d’élargir les angles de vue, pour évaluer davantage de compétences, pour simuler l’intégration dans l’équipe, pour projeter l’évolution future des compétences dans le poste voire au-delà…

Viser l’intégration

Depuis longtemps, les organisations ont travaillé sur leurs valeurs. Les enjeux sociétaux tels que la diversité ou l’écologie renforcent ce besoin. Les nouvelles générations qui poussent et notamment la génération Z qui arrive projettent de fortes attentes. Les organisations les plus alignées en termes de valeurs obtiennent la reconnaissance de leurs clients et l’adhésion de leurs salariés. Quand on ajoute l’expérience collaborateur à l’expérience client, la marque se développe. De grands cabinets de recrutement externe en sont même devenus des experts. Pour le coup, les recruteurs sont eux-mêmes sollicités pour trouver des collaborateurs dont les profils correspondant à la marque employeur. C’est un cercle où le recrutement apporte une réelle valeur ajoutée.

Alors, art ou process ?

Le process décrit un mode opératoire où des éléments d’entrée sont transformés pour délivrer le produit attendu avec un niveau de fiabilité élevé, de façon reproductible. L’art est une démarche de création où la spontanéité tient une place essentielle pour une production exceptionnelle, unique et inattendue. Entre les deux, nécessitant sécurité du process et génie de l’art pour produire la meilleure alchimie, je qualifierais volontiers le recrutement comme un process créatif. Une dose des deux quelque part… Car l’évaluation des compétences s’objective, c’est donc un process mais chaque acte de recrutement reste fort heureusement unique, c’est donc un art. Un processus dans lequel il faut savoir sortir du cadre pour mieux y revenir…

Un petit clin d’œil en forme de métaphore pour prolonger le débat… Connaissez-vous le « process art », mouvement artistique où c’est le parcours créatif qui est considéré en tant qu’art davantage que l’objet artistique lui-même… ?

Patrick Boïs